Il n’est parfois nul besoin de laisser le temps faire son œuvre et patiner un matériau pour le rendre sublime. De loin en loin, en effet, déboule un diamant brut qui semble en tous points parfait et, en quelques semaines, quelques mois, impose son style, son univers. Ainsi en est-il de Christone «Kingfish» Ingram qui, du haut de sa petite vingtaine, s’est, en 3 ans et 2 albums, taillé une place de choix sur la scène blues et blues rock nord américaine.
De son Mississipi natal, il a puisé la force et la capacité à transcender les douleurs de l’existence, insufflant un vent de fraîcheur dans cette ancestrale musique qui secoue autant les tripes qu’elle envoie flirter avec les nuages. De sa jeunesse, il tire une énergie qui lui permet de franchir tous les obstacles, convaincant ici Buddy Guy de produire son premier album et d’y partager un titre, se payant là le luxe de se produire à la Maison Blanche devant une Michelle Obama conquise, rafler 5 Blues Music Awards pour son premier album éponyme avant d’être interviewé, excusez du peu, par Sir Elton John pour son podcast, ou encore d’être en capacité de jouer aussi bien avec le rappeur Rakim qu’avec le groupe post-punk Vampire Week-End. Ainsi, peu importe pour lui le flacon pourvu que son blues puisse s’y épanouir pour y trouver en douceur le chemin des cœurs et des âmes.
A l’instar d’autres célèbres bluesmen bien avant lui, Christone «Kingfish» Ingram semble avoir conclu un pacte avec le diable pour faire de sa guitare un organe à part entière, une deuxième voix qu’il utilise pour donner à ses mots encore plus de force, à ses mélodies un petit supplément d’âme et, ce faisant, transmettre à ceux qui ont la chance de les recevoir des émotions encore plus pures, encore plus puissantes. Virtuose maîtrisant à la perfection les licks, en leur temps popularisés par BB King, chanteur à la voix ensorcelante rodée par des années de gospel, auteur-compositeur de chansons qui jamais ne privilégient la forme au fond, il coche assurément toutes les cases pour devenir, si ce n’est déjà fait, l’un des acteurs majeurs de la scène Delta voire du Blues tout court.Alors, si quelqu’un, quelque part, a le blues, un petit coup de moins bien, une envie d’évasion, nous ne saurions trop lui conseiller de venir faire un tour à Saint-Julien en Genevois cet été, car Christone «Kingfish» Ingram l’emportera, et nous avec, dans un fabuleux voyage empli de jolies vibrations et de merveilleuses émotions.